Tandis que les soupçons de l'épisode précédent semblent se confirmer, nous vous proposons un petit retour en arrière de quelques jours pour nous replonger dans un des plus sordides moments de la campagne électorale qui vient de se dérouler à Istres, et dans laquelle ce brave docteur Bernard a une fois de plus laissé la place à ce peu recommandable mister Granié.
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III - Bernard Granié et les chômeurs istréens : ou comment instrumentaliser les chômeurs pour essayer de faire gagner des voix et des élections à un voisin socialiste
Faisons comme si notre lecteur égaré ne connaissait rien au contexte. Ami lecteur, tout se passe dans une charmante cité nommée Istres, située sur les bords des étangs de Berre et de l'Olivier. Le maire socialiste Michel Caillat vient de démissionner, et pour des raisons un peu longues à expliquer, il se représente pourtant face à ses électeurs. Il bénéficie du soutien de l'ensemble du parti socialiste de France et de Navarre, et notamment de Bernard Granié, président du SAN Ouest-Provence. Ami lecteur, autant te le dire tout de suite : il va perdre.
Face à lui, plusieurs adversaires, dont le plus dangereux se trouve être Nicole Joulia, soutenue par un ancien maire d'Istres. La campagne électorale est particulièrement dure, l'ambiance en ville est détestable. Des réservoirs sont percés, des affiches vandalisées, des panneaux annonçant des travaux financés par Ouest-Provence fracassés, des tracts anonymes et injurieux circulent, les menaces et les pressions sur les agents municipaux et du SAN fusent d'un côté comme de l'autre, des extraits d'une certaine cassette pirate sont diffusés. Bref : une campagne électorale classique à Istres.
Le premier tour des élections est terrible, surtout pour Michel Caillat : Nicole Joulia a plusieurs longueurs d'avance. Pour Bernard Granié, l'enjeu est important : si Istres bascule, il risque de ne pas pouvoir conserver son siège de président du SAN. Il s'agit donc de TOUT faire pour aider Michel Caillat à gagner le maximum de voix avant le deuxième tour. Nous avons dit... TOUT faire ? Oui, tout. Même l'indigne, même le mesquin, même le sordide, même le choquant, même le déplacé ? Il faut croire que oui.
Déterminé à aider Michel Caillat à ne pas se faire battre, docteur Bernard se retourne et se mue en mister Granié. Ni une, ni deux, il convoque du jour au lendemain plusieurs centaines de chômeurs istréens à une réunion au cours de laquelle il leur présente les perspectives de recrutements très importants et très prochains dans le secteur de la logistique et sur la zone industrielle de Fos. En filigrane, il leur expose l'importance pour Istres de la préservation de liens privilégiés avec l'intercommunalité du SAN. Michel Caillat, candidat du président de l'intercommunalité, est évidemment présent à ses côtés pour cette réunion qui tombe - le hasard fait si bien les choses ! - le dernier jour de la campagne, et précisément à la même heure que le meeting de son adversaire Nicole Joulia.
Figurez-vous qu'à Istres, les chômeurs ont un honneur, et n'ont pas vraiment apprécié de se voir instrumentalisés, pris en otage, et presque sommés d'aller voter pour faire élire Michel Caillat. Dans le cas inverse, risquaient-ils de ne jamais voir venir les emplois qu'on venait de leur agiter sous le nez ? Nous allons pouvoir le vérifier : les communistes ayant préféré voter pour Nicole Joulia plutôt que pour Michel Caillat, celui-ci s'est retrouvé battu de 263 voix, suscitant chez Bernard Granié le plus grand trouble intérieur, et le déclenchement des hostilités et des manoeuvres au sein du SAN. Un collectif de chômeurs en colère aurait par ailleurs saisi la CNIL pour utilisation illicite des fichiers de l'ANPE par Ouest-Provence.
Dès le lendemain de l'élection, des agents du SAN qui avaient pris parti pour Nicole Joulia ont été mutés, en vertu d'une clause de leur contrat stipulant qu'ils peuvent être affectés sur n'importe quelle commune du SAN.
Récapitulons, et posons quelques questions. Bernard Granié trouve-t-il normal :
1/ d'attendre l'entre-deux tours d'une élection pour proposer du travail à des chômeurs dans le cadre d'une campagne électorale ?
2/ de modifier les règles de l'intercommunalité au lendemain d'une élection, avant qu'Istres ait pu nommer de nouveaux représentants, et pour empêcher les conséquences de cette élection ?
3/ d'abuser des clauses des contrats de mobilité pour sanctionner certains agents ?
La lutte pour le pouvoir justifie-t-elle le mépris pour les électeurs en général, pour les chômeurs en particulier, et le bafouement des valeurs que l'on prétend défendre ?
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Prochain épisode : Bernard Granié et le lys maritime (ou comment se poser en défenseur de l'environnement et autoriser dans le même temps des installations au mépris de la préservation d'espèces protégées)
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