I - Bernard Granié et l'incinérateur de Fos-sur-Mer : ou comment être à la fois l'instigateur et le pourfendeur d'un même projet
Bernard Granié est le génial initiateur du projet de retraitement à Fos-sur-Mer des déchets de Marseille. Jean-Claude Gaudin, dès son élection comme maire de Marseille de Marseille en 1995, décide de fermer la scandaleuse décharge d'Entressen. Il veut élaborer pour la Communauté Urbaine de Marseille (dont il est le président) un plan de retraitement des déchets conforme à la circulaire Voynet du 28 avril 1998, interdisant l'enfouissement des déchets non-ultimes, favorisant le tri et le recyclage, et limitant l'incinération à 50% des déchets.
Bernard Granié, maire socialiste de Fos en mal de projets, se dit que les ordures sont un secteur de développement comme un autre, et prend contact avec le maire de Marseille pour réaliser chez lui ce grand centre de retraitement des déchets qui manque tant au département des Bouches-du-Rhône ! Le maire de Marseille refuse dans un premier temps, et son adjoint Robert Assante vient même dénoncer à Fos-sur-Mer le projet de méga-incinérateur d'un million de tonnes prévu par Bernard Granié. Celui-ci ne se démonte pas, et défend publiquement ce projet et le recours à l'incinération dans un article désormais célèbre du 4 juin 1999 paru dans La Provence.
Dans la foulée Jean-Noël Guérini, président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône, vient d'ailleurs au secours de son ami socialiste Granié et présente en juillet 1999 un premier plan départemental d'élimination des déchets incluant l'incinération (pp. 119 et suivantes, en cours de numérisation). Mais une fois encore, Gaudin refuse que le SMIDEP, syndicat d'étude créé par Guérini pour porter ce projet, soit transformé en syndicat de réalisation. Guérini, adversaire politique de Gaudin, est furieux.
Mais Jean-Claude Gaudin a des difficultés à faire accepter son projet à Marseille, où il se heurte à l'hostilité de la population, puis à un appel d'offre infructueux. Le président de la CUB se souvient alors de la proposition de Bernard Granié et de Jean-Noël Guérini, et accepte le transfert sur la zone industrielle de Fos-sur-Mer. Mais il conserve les manettes financières de cet équipement de plus de 250 millions d'euros, et préfère traiter directement avec le propriétaire des terrains, le Port autonome de Marseille. Granié et Guérini, d'accord sur le principe, le lieu et la méthode, sont encore plus furieux, et surtout en désaccord politique radical avec Jean-Claude Gaudin. Ils vont le lui faire savoir.
Subitement, Bernard Granié et Jean-Noël Guérini changent complètement d'avis sur le projet : ils dénoncent la production de dioxines par les vieux incinérateurs de première génération, et prétendent que Jean-Claude Gaudin veut empoisonner les Fosséens avec cette usine. De nombreux collectifs et associations sont créés à Fos-sur-Mer et sur tout le territoire du SAN Ouest-Provence, pour relayer le message et à l'initiative des élus fosséens. Bernard Granié, curieusement muet à propos de l'incinérateur déjà existant à Fos-sur-Mer, n'a pas de mots assez durs à l'égard du projet MPM qu'il a pourtant lui-même initialement élaboré. Tel un pompier pyromane, il court aujourd'hui à Paris et Bruxelles pour éteindre l'incendie qu'il a lui-même allumé et dénonce l'absence de consultation des populations locales, ce dont il s'était pourtant lui aussi bien gardé !
Pour le moment, la population fosséenne court encore avec lui. Pour le moment. De tous les élus locaux, il est pourtant le seul, avec Jean-Noël Guérini, à avoir à un moment défendu ce projet. Le seul. Aujourd'hui, il prétend en être le plus farouche adversaire. Il prétend.
(un grand merci aux membres de l'association Avenir 13 pour les documents fournis et le travail de compilation réalisé)
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Prochain épisode : Bernard Granié et les statuts du SAN Ouest-Provence (ou comment chercher à modifier les règles du jeu en urgence et en catimini pour essayer de garder le pouvoir, au mépris de la transparence, de la démocratie et de la dignité)
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