Article paru dans La Marseillaise le 10 février 2012, par David Coquille
.
Pourquoi le commando d'Azur TP a agressé la famille Granié.
« La cible, c'était bien M. Granié et je pense qu'ils étaient bien renseignés », assure l'enquêteur de la PJ, convaincu que les quatre malfaiteurs cagoulés ne se sont pas introduits par hasard le 21 mai 2008 à deux heures du matin dans la propriété du président du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest-Provence pour le séquestrer, le frapper durant une heure avec ses proches.
« J'appelle ça des sauvages. »
« On ne pouvait arriver chez moi qu'avec une extrême connaissance des lieux », confirme Bernard Granié, 65 ans, par ailleurs adjoint à l'urbanisme de Fos-sur-Mer. Caméras et rayons lasers protégeaient sa villa. « Il criait le coffre, le coffre ! Il m'a porté un violent coup avec la torche. » M. Granié leur remet alors « 2900 euros d'une petite sacoche de ma belle-mère. » « J'étais persuadé de ne pas nous en sortir vivants. » L'élu résiste. Il est cogné jusqu'à l'évanouissement. Mireille, son épouse, craque face aux jurés : « J'appelle ça des sauvages. Ils vidaient les tiroirs. Ils pensaient peut-être trouver des mille et des cents suite à l'affaire. »
L'affaire, c'est celle des 300 000 euros de pot de vin que Gérard Calvière, l'ex-patron de Provence Recyclage, dit avoir versé à l'élu en échange d'informations pour l'obtention des marchés de collecte d'ordures ménagères de l'intercommunalité. Bernard Granié a en effet été condamné jusqu'en appel pour corruption passive en septembre 2011 à deux ans de prison ferme, 100 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité. Condamnation suspendue à un pourvoi en cassation.
« Il me ramenait 50% de mes chantiers. »
Accusé d'être le commanditaire de son agression, Hervé Goidin, 43 ans, le gérant de la sulfureuse entreprise fosséenne de travaux publics Azur TP, se défausse sur son conducteur de travaux.
Il dit avoir entendu Samir Hadad se vanter tout haut d'avoir « fait Granié », « Je ne vois pas pourquoi lui il détournerait des ronds et que nous on en profiterait pas ! », aurait dit Hadad qui jure du contraire : « Un jour au restaurant, Goidin m'a montré Granié à une table. Il m'a dit tu vois ce gars, il a eu une grosse affaire avec un gars sur du recyclage de poubelles, il y a beaucoup d'argent dans la maison. Plus tard, il a dit qu'il avait donné des indications à Stéphane Jaimi et aux gamins pour comment aller chez Granié mais que ça avait foiré ! »
« C'est faux, réagit Hervé Goidin, je travaille avec la famille Granié depuis toujours. Je n'avais aucun intérêt à envoyer des gens chez lui. Il me ramenait 50% de mes chantiers, de mon chiffre d'affaire. Je louais des voitures dans la société de son fils. C'est un notable dans la ville. Je travaillais pour l'Epad*, le SAN, la ville. Je n'avais aucun intérêt à faire ce coup ! »
« Je me suis posé des questions »
Bernard Granié réfute ces allégations. « Après l'agression, je me suis posé des questions sur un lien avec ma fonction, mon apparteance politique. Je pense que c'est faux et qu'Azur TP n'a pas travaillé une fois pour l'institution que je préside et que c'est peut-être là le lien de causalité avec mon agression mais je n'ai pas de preuve. »
Le président Calmettes insiste. « Avez-vous facilité l'obtention de chantiers au bénéfice d'Azur TP ? » - « Non pas du tout, il ne me l'a jamais demandé formellement et je n'ai jamais eu à le faire. Son activité ne nécessite pas de permis de construire », ajoute l'élu.
« Directement ou indirectement, je travaillais pour Granié, pour l'Epad et aussi pour sa SCi. J'ai même aidé au démarrage de l'association de son dernier fils ! », n'en démord pas Goidin. « Vous a-t-il privilégié pour votre activité ? », relance le président. « Oui, sur tous les chantiers qui concernaient l'Epad. »
« L'étang de Berre est gangrené »
Si un lien formel est établi aux yeux de la Brigade de repréession du banditisme (BRB), c'est bien entre Hervé Goidin et une figure du banditisme local, Mohamed Kateb alias "Coffre" pour qui Azur TP louait depuis deux ans à l'épouse un véhicule dans l'entreprise de location du fils Granié.
« Faut-il des protections pour travailler dans ce secteur ? », demande le président. « Tout ce milieu-là du bâtiment et tout le secteur économique de l'étang de Berre est gangrené. "Coffre" était intervenu à la demande de Goidin pour remettre au travail des Capverdiens en grève », affirme ce chef d'enquête à la BRB.
« Est-ce qu'on va vers des pratiques mafieuses ? », glisse le président. « On avait des doutes sur comment Goidin obtenait des chantiers auprès de Bruno Granié le neveu. Ce dernier nous a laissé entendre qu'il donnait des chantiers à Azur TP parce qu'il ne pouvait pas faire autrement. Sans pour autant parler de racket.»
* Etablissement public d'aménagement et de développement Ouest-Provence
Les commentaires récents