Article paru dans La Provence le 22 février 2011
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Le système d'Alexandre Guérini aurait coûté au minimum 5 millions d'euros à la communauté urbaine de la cité phocéenne.
Selon l'instruction menée par le juge Duchaine, qui concerne plusieurs collectivités des Bouches-du-Rhône, Alexandre Guérini avait mis en place un système clandestin au sein de Marseille Provence Métropole (MPM). Pour cela, il se revendiquait de son frère, le président du CG 13. Il inspirait aussi "la peur", comme l'ont expliqué plusieurs personnes interrogées par les gendarmes. En début d'année, Eugène Caselli, le président PS de MPM, indiquait que, pour l'heure, ses services n'avaient "pas relevé d'impact financier". Lors du dernier conseil communautaire, Renaud Muselier (UMP) a évoqué lui "un coût conséquent", sans toutefois pouvoir le chiffrer. Aujourd'hui, La Provence révèle que ce système aurait entraîné la perte d'un minimum de 5 millions d'euros.
Ces ordures qui venaient d'ailleurs. Deux millions d'euros... C'est la somme qui aurait été détournée depuis 2006 au détriment de MPM et de l'Agglo d'Aubagne dans l'affaire Queyras, un des dossiers dans lesquels apparaissent les sociétés d'Alexandre Guérini. Des déchets en provenance d'entreprises privées étaient enfouis à LaCiotat, une opération facturée aux deux collectivités grâce à de faux documents.
Des marchés publics sous pression. L'enquête identifie au moins quatre renouvellements de marchés publics sur lesquels Alexandre Guérini est intervenu en 2009, multipliant les pressions pour que soient écartés les candidats qui n'étaient pas de ses amis. Il s'appuyait sur Michel Karabadjakian, le responsable de la propreté, qui a depuis été mis en examen. Si ses manoeuvres ont échoué pour les deuxprincipaux appels d'offres, elles ont provoqué des prolongations onéreuses : devant les gendarmes, Karabadjakian a parlé d'une perte pour MPM de "2,5 millions d'euros" pour le marché de la collecte des déchets et de "500000€ pour le tri". Lors de sa garde à vue de début février, Eugène Caselli est allé dans le même sens, reconnaissant à propos de la collecte que "l'avenant de huit mois a coûté à la collectivité". Qui plus est, la consultation ayant été relancée pour trois marchés, MPM a dû réaliser de nouvelles études, ce qui a mobilisé deux techniciens durant neuf semaines. Enfin, les nouvelles offres pour la collecte étaient moins intéressantes que lors du premier round : Karabadjakian y voit un préjudice "de plusieurs millions d'euros" (1).
Un avocat commis d'office. Avocat de droit public, Olivier Grimaldi donnait des avis juridiques sur les appels d'offres de MPM. Michel Karabadjakian assure qu'il est intervenu à quatre reprises "à la suite des demandes d'Alexandre Guérini" et évoque un préjudice de plusieurs dizaines de milliers d'euros : plusieurs témoignages et des mails indiquent que certaines de ces analyses auraient favorisé des sociétés proches d'Alexandre Guérini. Placé en garde à vue durant 36 heures, M. Grimaldi a été libéré sans charge.
Grève sur commande. Dans son ordonnance de placement en détention d'Alexandre Guérini, le juge Duchaine explique qu'à l'automne 2009, "la communication" de documents confidentiels au chef d'entreprise "facilitait leur connaissance par les employés de la société Bronzo, évincée du marché de la collecte : ils entamaient alors un mouvement de grève afin qu'Eugène Caselli ne suive pas la décision de la commission d'appel d'offres". Conséquence, le ramassage des ordures à Marseille est totalement bloqué durant une semaine, jusqu'à ce que les salariés de Bronzo obtiennent gain de cause. Six mois plus tard, forts de ce précédent, les employés d'ISS Environnement usent de la même technique, là aussi durant une semaine. Outre la gêne, il est estimé que sept jours de grève se traduisent par "une perte de 500 000 euros", afin de remettre la ville en état.
Le grand ménage. Face aux dérapages révélés par l'affaire Alexandre Guérini, M. Caselli a pris plusieurs mesures pour remettre de l'ordre : des membres de son cabinet et des hauts responsables ont été poussés vers la sortie, d'où des indemnités et des frais pour recruter des remplaçants. Par ailleurs, les contrôles ont été renforcés, ce qui a un coût: c'est le cas dans les déchetteries et il a été fait appel en 2010 à un cabinet privé pour analyser les propositions lors du nouvel appel d'offres pour la collecte.
(1) Président de la commission d'appel d'offres, F-N. Bernardi souligne toutefois que "les contrats actuels coûtent 4 millions de moins qu'il y a dix ans".
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