Article paru dans bakchich.info le 4 juin 2009
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Démissionnaire du conseil municipal, Jean-Noël Guérini, le baron des socialistes marseillais, boit la tasse. Et est menacé jusque dans son fief, le conseil général, par le scandale des subventions détournées.
Une fois n’est pas coutume, La Provence n'a pas barré sa une d'une manchette sur l'OM le 29 mai dernier. A la veille d’une journée de championnat qui aurait pu voir le club phocéen sacré champion de France pour la première fois depuis 16 ans, l’événement est d’ampleur.
« Tempête au conseil régional » (29/05) titre le quotidien de l’avenue Roger Salengro. Avec un focus sur les derniers tourments de l’institution qui a pignon sur la Porte d’Aix, au nord de Marseille. Embourbé dans un vaste dossier d’escroquerie, d’abus de confiance, faux et détournement de subventions publiques par une myriade d’associations fictives, que Bakchich s’était fait une joie de narrer en février dernier, le conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur vit un grand nettoyage. Avec une cible, pas même masquée, la vice-présidente chargée de la politique de la ville, la socialiste Sylvie Andrieux, tout juste déchargée de sa délégation, suspendue et finalement démissionnaire.
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Andrieux, l’arroseuse arroséeÉlue des quartiers nord, fille d’un ponte du deferrisme, dame Andrieux a son franc-parler et son caractère. Ses manières de faire de la politique aussi, à en croire le dossier que Bakchich a pu parcourir.
« Plusieurs auditions dans le dossier ont fait apparaitre que non seulement Mme ANDRIEUX dépensait l’argent public de manière dispendieuse, mais qu’en outre, elle le faisait pour des raisons clientélistes et électoralistes », assènent les enquêteurs, au cours de l’interrogatoire d’un cadre du conseil régional, Guillaume Lalange, en date du 18 février 2009.
En bref, la députée arrose de subventions régionales des associations bidons dans le seul but de l’aider à être élue.
Une pratique élégamment détaillée par l’un des mis en examen, Roland Balalas, décrit par les limiers du juge Landou, en charge du dossier, comme « l’interface politique entre les associations fictives et la région ».
Secrétaire général du groupe PS à la région, Balalas balance en audition. En premier lieu que « la quasi totalité des élus est au courant ». Et pour cause, selon les chiffres consultés par Bakchich, la circonscription de Madame Andrieux, certes sise dans les quartiers les plus défavorisés de Marseille, bénéficie de 75 % du programme régional de la ville. Un magot difficile à ignorer...
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Avec Balalas, les subventions sont bien gardéesEnsuite, en décrivant aimablement les liens qui unissent la femme politique à un certain M. Same, à l’origine des associations soupçonnées d’escroquerie, et mis en examen. « [Il] était affilié à la droite et il a fait campagne contre Madame ANDRIEUX dans le camp de Michel BOURGAT », décrit Balalas. « Comme c’est quelqu’un qui avait fait le bordel (…) en 2001 contre elle, j’en ai parlé à Sylvie ANDRIEUX qui préférait l’avoir avec plutôt que contre. La contrepartie de ce retournement était de lui verser les subventions qu’il demandait par le biais des associations citées plus haut et à l’origine desquelles il est. »
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Après la région, le départementEt histoire de préciser sa pensée : « C’est-à-dire que c’est le pouvoir politique qui a en fait décidé d’octroyer des fonds dès le commencement, puis de poursuivre par la suite dans le même sens, il était question de faire plaisir à M. SAME. » Volontiers hâbleurs, les avocats qui ont pu fourrer leur nez dans le dossier font d’ailleurs preuve d’une belle unanimité. « Le dossier des subventions à la région est clairement un dossier ANDRIEUX ». Le juge et le parquet qui suivent l’affaire ne les démentent guère. En duo, Landou et la vice-procureur Bonhomme se sont payés une petite perquisition à la permanence de Sylvie Andrieux, avant d’aller dépoussiérer son bureau. Et la presse nationale d’embrayer. Dernier de cordée à s’empresser d’enquêter, Le Point a chargé la mule. Une enquête fouillée d’un ancien localier de la place monté à Paris, Hervé Gattegno. Et clairement ciblée, haro sur la Andrieux !
Sauf que. Le conseil régional, au centre des attentions, n’est pas la seule institution touchée. Même si, avec près d’un million de subventions votées et 400 000 euros effectivement versés, elle semble la plus grugée. Le conseil général des Bouches-du-Rhône de Jean-Noël Guérini s’est contenté d’accorder 370 000 euros de subventions, pour n’en débloquer que 221 798,94 euros, selon une synthèse des policiers en date du 18 novembre 2008. Et l’a fait en toute discrétion, via une délibération de sa commission permanente, qui s’est constituée partie civile le 9 février dernier dans le dossier.
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Un ancien frontiste joue les intermédiaires au PS« Simple mesure de précaution », décrit à Bakchich l’avocat de l’institution, le débonnaire Marc-Michel Le Roux. « Les services du conseil général ont bien œuvré et ont été vigilants. Seuls 27 000 euros ont été versés aux associations de M. Same ». À croire que Me Le Roux n’a pas vu tout le dossier...
Ou s’estime tenu par son devoir de réserve, ou d’amitié. « Que ce soit Le Roux l’avocat est significatif. Non seulement le CG veut avoir accès au dossier, décrypte un habitué des galéjades marseillais, mais ils ont pris un homme sûr ». Un ami personnel du patron des socialistes locaux, Jean-Noël Guérini, dit « Nono ».
L’enquête commence en effet à titiller les pontes du conseil général et de la pittoresque fédération socialiste marseillaise, tous deux tenus par Jean Noël-Guérini.
Déjà Roland Balalas, principal mis en examen dans le dossier, n’est autre que le fils du haut en couleur Théo. Ancien militant de l’OAS, ex-candidat du FN à Marseille lors des législatives de 1974, le père Balalas s’est désormais reconverti. Et trône désormais, majestueux, à la tête de la commission des adhésions de la fédération du Parti socialiste des Bouches-du-Rhône, en compagnie d’Alexandre Guérini, le frère de Jean-Noël.
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Guérini place ses pions
Ensuite, l’étoile montante du socialisme marseillais, la sénatrice et vice-présidente du conseil régional Samia Ghali, cornaquée par Guérini, ne sort pas vraiment indemne des auditions réalisées par la police. « Il y a également Madame GHALLI, également socialiste. Mais Madame GHALLI a son propre circuit. Cela signifie que Madame GHALLI, en qualité de vice-présidente déléguée aux sports et à la vie associative, a sa propre sphère d’intervention », décrit Balalas en audition, le 3 juin 2008.
Et son compagnon, Franck Dumontel, n’est pas épargné non plus. Au moment des faits visés par l’enquête, le charmant garçon occupait le poste de directeur de cabinet du président du conseil régional, Michel Vauzelle. « L’homme lige du système, il maîtrisait tout et faisait la pluie et le beau temps au conseil régional », concède un socialiste du cru.
Le directeur de l’aménagement du territoire au conseil régional, Guillaume Lalange, se fait même un peu plus précis. Entendu par les flics le 18 février dernier, il a posément admis. « Toutes ces listes (de subventions) sont avalisées par le directeur de cabinet du président du conseil régional : M. Frank DUMONTEL. En effet les négociations pour les dossiers se déroulaient entre ANDRIEUX et le directeur de cabinet » Avant d’ajouter : « lors de ces réunions, les listes sont balayées et la décision d’octroi de subventions prise, ainsi que le montant ».
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Et la mairie n’est plus qu’une utopieUn brin gênant. D’autant que sur oukase de Guérini, Dumontel a changé d’affectation fin 2008. En passant du conseil régional à la direction de cabinet du président de Marseille Provence Métropole, la communauté urbaine tout juste passée aux mains des socialistes.
« Eugène Caselli se l’est fait imposer. Au moment même où il recevait un candidat pour le poste, il a reçu un coup de fil pour lui dire de prendre Dumontel », se rappelle-t-on dans les couloirs de la CUM.
Un signe de confiance, que Jean-Nono pourrait regretter, dans une période qui ne lui est guère propice.
Au sommet après son coup pour la prise de la CUM, Nono peine désormais à faire de l’ombre à la mairie. Tous les recours devant le Conseil d’État intentés contre les têtes de liste UMP lors des dernières municipales à Marseille ont été rejetés le 15 mai dernier. Conséquence directe, le sursis accordé à Guérini pour siéger au conseil municipal tombait de fait. Cumulard (sénateur, conseiller général et municipal), le boss de la rose locale a dû démissionner lundi 25 mai du conseil municipal. Et dire adieu à son rêve de succéder au maire actuel Jean-Claude Gaudin, avant les prochaines élections municipales, quand la droite n’a qu’une voix d’avance au sein du collège de la mairie.
Même sa sortie s’est trouvé gâchée. « Muselier a attaqué bille en tête, arguant que c’était un non-évènement et Mennucci lui a répondu en voulant trop en faire, rigolait-on au sortir du conseil, à droite. Guérini n’a pu occuper aucun espace ».
« Les positions sont gelées. Et c’est bien plus gênant pour la gauche, au moment même où Guérini montait en puissance ».
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