Article paru dans Le Monde le 3 novembre 2011 par Samuel Laurent
.
Jean-Noël Guérini reste un caillou dans la chaussure du Parti socialiste. Le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, sous le coup d'une mise en examen pour association de malfaiteurs, trafic d'influence et prise illégal d'intérêt, refuse d'obéir aux injonctions de son parti, qui lui demande de démissionner de son poste. Et réplique : selon lui, "il y a 57 élus socialistes, maires de grandes villes, parlementaires ou présidents de conseils généraux, qui ont été mis en examen ou condamnés et qui continuent à occuper d'éminentes fonctions".
>> Lire : De retour à la tête des Bouches-du-Rhône, Guérini défie à nouveau le PS
L'élu marseillais exagère sans doute, et compte parmi ses exemples, qu'il n'a pas voulu détailler au Monde, sans doute de vieilles affaires et condamnations. Il n'empêche que sur le fond, le PS n'a pas toujours une attitude univoque face à des élus condamnés ou soupçonnés par la justice.
Des élus condamnés ou mis en examen sans que le PS s'en mêle
Dans nombre de cas, le parti ne se mêle pas des démêlés judiciaires de ses élus et ne leur demande rien, même une fois condamnés. C'est ainsi que Bernard Granié, président socialiste du Syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence, qui regroupe six communes autour de l'Etang de Berre dont Fos-sur-Mer, a été condamné en appel à deux ans de prison ferme le 7 septembre pour corruption passive. Adjoint au maire de Fos-sur-Mer, il s'est pourvu en cassation et continue, dans l'attente de ce jugement à siéger au sein de son syndicat, sans que le PS ait demandé sa démission.
En cas de mises en examen, le parti ne fait pas plus de zèle. Ainsi, le 17 octobre, le sénateur socialiste Serge Andréoni était mis en examen pour "complicité de trafic d'influence" dans une affaire de marchés publics présumés frauduleux, toujours dans l'agglomération marseillaise. Une affaire en lien avec celle qui touche le frère de Jean-Noël Guérini, Alexandre. Pas suffisant pour que le PS prononce l'exclusion, ni demande la démission de l'élu, qui siège donc au groupe socialiste du Sénat.
Autre cas marseillais, celui de la députée des Bouches-du-Rhône Sylvie Andrieux, elle aussi mise en examen depuis juillet pour "complicité de détournement de fonds publics et complicité de tentative d'escroquerie". Elle est accusée d'avoir versé de l'argent à des associations en échange de voix dans sa circonscription. Et là encore, le PS n'a pas demandé sa démission, pas plus qu'il n'a suspendu du parti la députée.
.
Des statuts flous
De fait, le parti n'a aucun pouvoir pour exiger la démission d'un élu, a regretté Benoît Hamon, son porte-parole, jeudi 3 novembre. "Aujourd'hui, devant son refus de démissionner du conseil général, nous avons peu d'instruments puisqu'il [Jean-Noël Guérini] est président de plein droit de l'exécutif", a-t-il expliqué.
Et le porte-parole d'ajouter : "Je rappelle qu'il est présumé innocent et que c'est pour cela qu'il ne pouvait pas être exclu du Parti socialiste".
On pourrait en déduire que le PS exclut systématiquement de ses rangs les élus condamnés en justice, et attend donc le verdict des juges avant de statuer. Or rien dans les statuts du parti ne le prévoit. L'article 11.11 des statuts socialistes prévoit seulement que "les élus qui commettent des infractions à la discipline sont rappelés au respect des décisions du Parti, par le Conseil national".
Une exclusion du parti est possible "pour manquement aux principes et aux règlements du Parti, pour violation certaine des engagements contractés, pour actes ou conduites de nature à porter gravement préjudice au Parti" (article 11.5). Elle ne peut être prononcée que par la commission des conflits, après audition des parties (article 11.9), et n'a rien à voir avec la condamnation ou non par la justice.
.
Des exclusions indépendantes de la Justice
C'est ainsi que Jacques Mahéas, sénateur et maire de Neuilly-sur-Marne, condamné définitivement en cassation en mars 2010 pour des faits de harcèlement sexuel datant de 2002, a été auditionné par la fameuse commission en juillet, sur demande de Benoît Hamon. Il a préféré démissionner avant que la décision ne soit rendue. Sa condamnation en justice datait de l'année précédente, mais le contexte de l'affaire DSK rendait l'affaire "gravement préjudiciable" au PS, qui a donc exclu l'élu concerné.
Pourtant, il arrive que le parti exclue sans condamnation en justice. L'ex-président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, fut ainsi radié du Parti socialiste le 29 janvier 2007 pour un dérapage verbal sur le nombre de Noirs dans l'équipe de France de football, sans attendre sa condamnation par la justice.
Nombre de cadres de sa fédération ont subi le même sort, à l'instar de Robert Navarro, objet d'une plainte du parti pour enrichissement personnel... et toujours membre de l'équipe de campagne du candidat socialiste, François Hollande. L'équipe du candidat a d'ailleurs évoqué à plusieurs reprises le "respect de la présomption d'innocence" pour justifier ce maintien.
Dans le cas de Jean-Noël Guérini, les choses sont plus ambigües. Si Benoît Hamon laissait entendre jeudi 3 novembre qu'il n'était pas possible au parti d'exclure M. Guérini, ce n'est pas toujours ce qu'a prétendu le PS. Le 5 octobre, Harlem Désir jugeait au contraire que M. Guérini était déjà en exclu du parti. "Il l'est déjà puisqu'il s'est mis en retrait du PS. Il n'a pas à en être exclu : il n'en est plus membre", jugeait-il sur BFM TV.
Une attitude ambiguë, qui donne des armes à la riposte de M. Guérini. "Si le bureau national du PS veut établir une jurisprudence Guérini, elle doit s'appliquer de la même façon à tous et partout", a-t-il lancé jeudi 3 novembre au soir. "Je pourrai envisager de démissionner lorsque tous les élus du PS condamnés définitivement, et ils sont nombreux malheureusement, auront également démissionné de toutes leurs fonctions exécutives. Cette règle doit être également appliquée à tous les élus socialistes mis en examen."
Les commentaires récents