Article paru dans La Tribune de Genève le 4 décembre 2011, par Jean-Michel Verne
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Justice | Le procès-verbal de l’audition d’un des protagonistes révèle un véritable manuel de corruption.
On s’en doutait après la descente voici quinze jours à Marseille du procureur fédéral suisse Luc Leimgruber : c’est un véritable manuel de corruption et de détournement de fonds publics qui est proposé aux enquêteurs helvétiques saisis d’une enquête pour «blanchiment» à la suite de l’affaire Guérini.
Le contenu du procès-verbal d’audition du 15 novembre de Jean-Marc Nabitz par le magistrat helvétique assisté par deux inspecteurs de la police fédérale est éloquent. Incarcéré en France, l’ex-directeur de 13 développement, la société chargée des investissements du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, s’est notamment expliqué sur le versement d’une somme de 2,2 millions d’euros à l’IDB de Genève.
Auditionné pour les infractions suisses en qualité de simple témoin assisté, il a livré des révélations sur le marché de l’incinérateur de Fos-Sur-Mer. La Lyonnaise des eaux (Suez) devait être à l’origine adjudicataire de ce marché destiné à supprimer la plus grande décharge à ciel ouvert d’Europe.
Jean-Marc Nabitz affirme être intervenu en 2003 à la demande du président socialiste du Conseil Général, Jean-Noël Guérini, pour rédiger une note blanche destinée à écarter Suez au profit de la société espagnole Urbaser. L’UMP Jean-Claude Gaudin, alors président de la communauté de communes Marseille-Provence-Métropole, aurait selon lui agi pour faire désigner la société espagnole. Il y aurait donc eu collusion. Jean-Marc Nabitz affirme en outre qu’Urbaser a effectué des versements occultes. «Je suis donc persuadé qu’il y a eu distribution de pots-de-vin ou de dessous-de-table pour l’attribution de la DSP (ndlr: Délégation de service public) aussi bien à droite qu’à gauche dans un commun accord.»
Nabitz donne par ailleurs un éclairage très ésotérique sur le choix de la société Urbaser: «L’origine de l’attribution à Urbaser a des liens, dont j’ai pu découvrir qu’ils étaient certainement très étroits, avec l’Opus Dei. La plupart des cadres d’Urbaser et sa maison mère ACS étant membres de l’Opus Dei, certains me l’ont confessé. Les liens de Jean-Claude Gaudin avec l’Opus Dei étaient connus d’Urbaser, les cadres que je rencontrais l’évoquaient en ma présence et j’ai le sentiment que cet élément a joué dans le choix de cette entreprise.»
Nabitz évoque enfin un surcoût du marché de 100 millions d’euros: «Le coût réel de cette installation est de l’ordre de 250 millions d’euros. Je précise que les deux fours ont fait l’objet d’une sous-traitance auprès de la CNIM (Chantier naval industriel de la Méditerranée) à la demande de Jean-Claude Gaudin et qu’ils ont coûté 110 millions d’euros. J’estime qu’ils n’auraient jamais dû coûter plus de 90 millions d’euros.»
Quelques lignes plus haut, Nabitz livrait, toujours selon lui, les raisons du versement en Suisse des fameux 2,2 millions : «Je suis persuadé que c’est pour rémunérer ma note blanche et acheter mon silence sur ces faits de corruption que l’on m’a versé cette somme.» Il ne reste plus à la justice qu’à apporter des preuves de ces terribles accusations.
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