Article paru dans La Provence le 24 février 2011
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En 2009, le chef d'entreprise a bien piloté le conflit des déchets à Marseille
Depuis l'automne 2009, de nombreux doutes entourent la grève des salariés de la société Bronzo, qui a bloqué durant une semaine la collecte des déchets à Marseille, abandonnant 7000 tonnes d'ordures sur les trottoirs. Dès cette époque, on se demandait quel était le rôle des dirigeants de cette filiale de la SEM dans le conflit, tout comme celui d'Alexandre Guérini, entrepreneur spécialisé dans le traitement des déchets et frère du président du CG 13 (1).
Tout ou partie de ces interrogations allaient d'ailleurs pousser Patrick Mennucci (PS) à mettre les pieds dans le plat lors du conseil municipal du 16 novembre 2009: "Il ne s'agit pas d'une grève ! Il s'agit d'une action illégale, conduite par une entreprise, par ses cadres, par ses salariés, par ses dirigeants...". Déjà ouverte à l'époque, l'instruction conduite par le juge Duchaine sur les marchés truqués des Bouches-du-Rhône a mis ces questions au menu des gendarmes, comme l'a révélé La Provence (nos éditions des 14 janvier et 22 février 2011). Des questions en passe de trouver des réponses, comme le montrent des documents qui viennent d'être versés dans le dossier judiciaire.
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La stratégie d'Alexandre Guérini. Lorsque la communauté urbaine Marseille Provence Métropole lance des appels d'offres pour la collecte des déchets, Alexandre Guérini s'active pour que Bronzo, une société dont il est proche, ne perde pas le marché qu'elle détenait jusqu'alors. Problème, malgré ses pressions sur les services, la commission d'appels d'offres choisit une autre société. La diffusion de documents confidentiels, dont les enquêteurs ont la conviction qu'elle a été "facilitée" par Alexandre Guérini, déclenche alors une grève. Objectif du conflit, obtenir qu'Eugène Caselli, le président PS de MPM qu'il surnomme "Brushing", déclare le marché sans suite. Dans une écoute téléphonique révélée hier par Médiapart et dont La Provence a eue connaissance, le cadet des Guérini explique alors au patron de Bronzo qu'"il faut une démarche juridique" pour forcer la main de Caselli. Il propose de faire rédiger une plainte par son avocat, qui serait ensuite déposée par "les ouvriers et l'entreprise".
Comment il a soufflé sur les braises. Dans une écoute du 29 octobre, Alexandre Guérini apparaît clairement comme l'inspirateur de la grève. "Est-ce que le deuxième centre de transfert a été bloqué ?", demande-t-il au patron de Bronzo, avant de conseiller de confier cette mission à un "dur". "Dis à Charly qu'il tienne", ajoute-t-il, parlant d'un salarié de Bronzo.
Le rôle de Jean-Noël Guérini. Plusieurs écoutes montrent que le président du CG 13 était au courant des manoeuvres de son frère. Ce dernier lui adresse par exemple un SMS limpide: "Dis a brushing de ne pas notifier les marchés. urgent". Lors de sa garde à vue, Eugène Caselli a évoqué une réunion à l'Hôtel du Département en présence de Jean-Noël Guérini au cours de laquelle "Alex" l'aurait apostrophé durement: "Personne n'a pris la parole pour me défendre."
Au fil des jours, le président du CG13 prend toutefois du recul : "Qu'on ne me mette pas dans le coup !", lance-t-il dans une conversation enregistrée par les gendarmes le 3 novembre. Parlant d'Eugène Caselli, il ajoute: "Maintenant, il se démerde complètement ce connard (...). C'est un malade, un déglingué de la tête!" (2)
La fin de l'histoire. Au bout d'une semaine de grève, alors que le conflit ne faiblit pas, Eugène Caselli finit par annuler les décisions de la commission d'appels d'offres, après concertation avec le préfet. À l'époque, il évoquait "des raisons sanitaires". Lors de sa garde à vue, il a ajouté que l'échec d'une action judiciaire pour débloquer les centres de transfert avait également pesé. Une action judiciaire sur laquelle il semble avoir été trahi par un avocat...
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(1) Écroué depuis décembre dernier, il peut rester 2 ans en détention préventive.
(2) Contacté hier, les services du CG13 ont refusé de répondre à nos questions.
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