Article paru dans www.marsactu.fr le 30 novembre 2010
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En convoquant 20 personnes – dont Alexandre Guérini, placé en garde à vue, et des hauts fonctionnaires de collectivités locales – les enquêteurs ont relancé au grand jour l’enquête sur les marchés publics dans les Bouches-du-Rhône. Lundi, nous avons dressé la carte des protagonistes de cette complexe investigation et des liens qui les unissent. Mais un dessin ne dit pas tout et les questions ne manquent pas de se bousculer.
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Pourquoi les responsables du Parti socialiste ne réagissent-ils pas ?
Quand on connaît les combats d’Arnaud Montebourg et de Vincent Peillon contre les magouilles en tout genres, ce silence est pour le moins pesant. Même s’il est plus facile de disserter sur l’affaire Karachi ou Woerth-Bettencourt que des enquêtes où sont mêlées des collectivités dirigées par la gauche… Autre élément : la « jurisprudence Frêche ». En tapant du poing sur la table contre les dérives langagières du patron de la fédération socialiste de l’Herault, Martine Aubry avait récolté aux régionales une belle bataille Paris-Montpellier. Pas sûr qu’elle ait envie de rejouer l’acte 2 avec la fédé des Bouches-du-Rhône, 3e de France… D’ailleurs, elle n’avait eu aucun mal à s’asseoir sur les statuts du PS concernant le cumul premier secrétaire-président du conseil général de Jean-Noël Guérini. Cela dit, alors que le sujet avait été évoqué quelques minutes plus tôt dans la revue de presse, Patrick Cohen n’est pas revenu dessus lors de son interview de Ségolène Royal sur France Inter.
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Pourquoi l’UMP marseillais reste-t-il lui aussi discret ?
Si l’on peut comprendre la belle posture de l’autruche adoptée par la rue de Solférino, ces remous politico-judiciaires semblent à première vue du pain béni pour l’UMP local. Renaud Muselier, candidat malheureux à la présidence de Marseille Provence Métropole (MPM) et secrétaire général de la fédé 13 ne s’en s’était d’ailleurs pas privé il y a un an en déposant le livre Gomorra – qui décrypte notamment le business des déchets de la Camorra – sur le bureau d’Eugène Caselli. Mais depuis, plus rien, à part quelques allusions du député Roland Chassain lors du raout camarguais de la fédération.
Le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin préfère ironiser sur les oursins avec lequel Michel Vauzelle lui dit de se brosser, en n’allongeant pas la monnaie pour la rénovation du stade Vélodrome... Peut-être parce qu’avant 2008 c’est lui qui occupait le fauteuil d’Eugène Caselli ? Et qu’à défaut de susciter l’intérêt de la justice, sa gestion de la compétence « déchets » avait eu droit à 42 pages dans un rapport de la Chambre régionale des comptes, notamment à cause de l’augmentation importante des coûts au moment de renouvellements de marchés.
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Alexandre Guérini a-t-il travaillé pour l’institution présidée par son frère ?
Oui et non. A notre connaissance, aucun marché n’a été passé entre le conseil général des Bouches-du-Rhône et une société d’Alexandre Guérini. Mais l’Opac Sud (aujourd’hui 13 Habitat), l’office HLM du Département, a fait plusieurs fois appel à la SMA Environnement pour au minimum 220 000 euros de prestations. Office public présidé par Jean-François Noyes, l’ex-directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini. Mais jusque-là rien d’illicite. Et d’après un article du Monde datant de mai, les raisons de l’intérêt des enquêteurs pour 13 Habitat – Jean-François Noyes, sa chef de cabinet Antoinette Camiglieri et le directeur général Bernard Escalle ont été convoqués lundi – pourraient être ailleurs, notamment dans des marchés de photocopies. A moins que ce ne soient les 3 millions d’euros de contrat avec l’Office décrochés par ABT, entreprise du bâtiment dirigée par Damien Amoretti, lié à Alexandre Guérini et aujourd’hui écroué ?
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Alexandre Guérini a-t-il été prévenu de sa garde à vue ?
Qu’il ait senti venir le coup, la chose est certaine : deux semaines avant, il avait pris soin de démissionner de l’ensemble de ses responsabilités dans ses sociétés, pour y placer proches et compagne. Idem pour Philippe Rapezzi, lui aussi placé en garde à vue, qui présidait notamment le conseil d’administration de la SMA Environnement. Dimanche soir, il aurait dormi dans l’appartement familial et non dans sa villa, où les enquêteurs sont venus le cueillir le lendemain à 7 h du matin. Etait-il au courant ? L’intérêt pour lui évident : éviter de se retrouver mitraillé par les objectifs des journalistes, prévenus eux dès 6 h. Mais peut-être cette précaution est-elle devenue habituelle depuis quelques semaines...
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Et maintenant ?
Pour qui veut bien se prêter au jeu des scénarios, les possibilités sont infinies. Au terme des 48 heures réglementaires, sous quel statut les gardés à vue, et en particulier Alexandre Guérini, ressortiront-ils ? Autre interrogation : qui sera le prochain sur la liste ? En particulier, seuls des entrepreneurs et fonctionnaires ont pour l’instant eu à s’expliquer : le juge Duchaîne prévoit-il de passer à des responsables politiques ? Enfin, les trois dossiers des marchés des Bouches-du-Rhône, du grand banditisme (avec le coup de filet Barresi/Campanella) et des marchés corses (avec notamment la mise en examen de Pierre Olmeta), vont-ils se rejoindre, comme pourraient le laisser croire certains liens entre leurs acteurs ? Patience, patience, semble nous souffler le juge Duchaîne.
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