Article paru dans La Provence le 24 juin 2011, par Fred Guilledoux et Denis Trossero
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Depuis trois semaines, le juge Duchaine et les gendarmes se concentrent sur la préemption par le Conseil général, entre 2004 et 2006, d’un terrain privé à La Ciotat. Ils soupçonnent que cette procédure ait pu être utilisée pour servir les intérêts d’Alexandre Guérini, frère du président PS du Département et patron d’une société d’exploitation de décharges, la SMAE. Après les auditions de plusieurs techniciens, les enquêteurs ont entendu hier matin Jean-François Noyes comme témoin. Conseiller général PS à Marseille, ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini, il travaillait à l’époque au CG comme "conseiller spécial", un poste particulièrement stratégique.
Selon nos informations, les investigations récentes ont permis des avancées décisives, avec notamment la saisie de nouveaux documents. Placée en garde à vue la semaine dernière, Béatrix Billès a fourni des éléments ciblant Jean-Noël Guérini et ses proches collaborateurs. Interrogée par les gendarmes le 14 juin, celle qui occupait alors le poste de "conseillère du cabinet" a expliqué que la préemption du terrain, réalisée officiellement pour des raisons environnementales, n’avait qu’un but : "Geler le dossier" afin de faire échec à une autre préemption portée par la mairie de La Ciotat, qui tentait d’empêcher l’extension sur ce terrain d’une décharge voisine. Une extension que devait réaliser la SMAE d’Alexandre Guérini, qui venait de remporter le marché d’exploitation de cette décharge, un jackpot de 17 millions d’euros !
Béatrix Billès a affirmé que les règles internes du CG n’avaient pas été respectées sur ce dossier : "Contrairement aux usages, ce n’est pas le service du Patrimoine qui a décidé de l’opportunité de préempter ou pas ces parcelles, mais le cabinet du président". Ces propos rejoignent ceux de plusieurs techniciens. La "conseillère" a raconté aux gendarmes avoir eu "plusieurs discussions" avec Jean-François Noyes et le nouveau directeur de cabinet qui venait d’arriver. Des discussions au cours desquelles s’était imposée l’idée d’une préemption du CG 13, le Département étant prioritaire sur une commune.
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"Il était favorable"
Interrogée par les gendarmes sur la position de Jean-Noël Guérini, Béatrix Billes a été formelle : "Il était favorable à la préemption de ces parcelles pour geler le dossier, comme je vous l’ai dit". Un "gel" dont il était prévisible qu’il soit levé quelque temps plus tard par la préfecture, une procédure administrative ayant été déjà lancée en ce sens.
Lors de sa garde à vue, Béatrix Billès a assuré ne pas vraiment savoir au départ que la SMAE était la société du frère du président du CG. Une ignorance qui n’a pas duré longtemps : "Quelqu’un du cabinet a dû me le dire". Pour l’heure, on ne sait quelles ont été les réponses de Jean-François Noyes face à ces déclarations et à celles d’autres personnes entendues.
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Patrick Boudemaghe mis en examen
Arrêté en Espagne, Patrick Boudemaghe vient d'être mis en examen dans le dossier Alexandre Guérini pour "blanchiment en bande organisée, faux et complicité d’abus de biens sociaux". Outre de la fausse facturation sur la décharge de La Ciotat, qui aurait permis de détourner 2 millions d’euros, le magistrat lui reproche notamment d’avoir exfiltré vers l'étranger des fonds appartenant à Alexandre Guérini. Mis en examen dans le dossier des marchés truqués de Haute-Corse, Patrick Boudemaghe était lié à Bernard Barresi, le parrain marseillais arrêté en 2010.
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